C'est confirmé: Robert Kennedy Jr est nommé ministre de la santé par Trump. C'est aussi confirmé: "Le Temps" est fâché avec le journalisme factuel.
Robert F. Kennedy Jr. a été choisi par Trump pour diriger le HHS, le ministère de la santé américain, malgré une campagne de fake news agressive que "Le Temps" a reprise sans hésitation. Débunkons.
Qui est Robert F. Kennedy Jr. ? S’il faut en croire Le Temps, il serait, et j’exagère à peine, une espèce de demi-antisémite antivax hystérique.
Mais faut-il croire Le Temps ?
Le traitement de Robert F. Kennedy Jr. par les médias traditionnels illustre leur incapacité à fournir des informations fiables sur des sujets comme la santé publique, Donald Trump, ou, pire encore, comme c’est le cas ici, les deux à la fois. Je crois avoir montré ailleurs avec l’exemple de la RTS combien cette incapacité à respecter les faits, et le lecteur, était patente durant la crise du Covid. On aurait pu espérer que, cette crise terminée, la situation se serait améliorée.
On le verra plus bas, c’est loin d’être le cas.
Mais avant de s’attaquer au factchecking de cet article, prenons le temps, justement, de rappeler qui est (vraiment) Robert F. Kennedy Jr., en faisant ce que Le Temps ne sait manifestement plus vraiment faire: du journalisme factuel.
Corriger les âneries des médias traditionnels prend du temps et c’est très ingrat. Pour m’encourager, abonnez-vous ci-dessous s’il vous plaît (et faites-le aussi sur YouTube):
Après ce coup de pub, continuons:
Qui est vraiment Robert F. Kennedy Jr. ?
Précisons d’abord que même s’il a été désigné par Trump, il n’est pas certain que RFK Jr. sera confirmé dans sa fonction de directeur des HHS, puisqu’il lui faut encore convaincre le Sénat. Présenter l’homme et ses ambitions de réformer le monde de la santé publique exigerait beaucoup plus qu’un seul article. Je vais me contenter de rappeler quelques éléments-clés.
Robert Kennedy a 70 ans, et il est en pleine forme. Il est le fils de Robert Kennedy, premier du nom, ancien procureur général et sénateur, assassiné en 1968. Il est le neveu du président John F. Kennedy, assassiné, lui aussi, en 1963. Il est avocat et activiste environnemental. En partie en réaction aux événements traumatiques qui ont frappé sa famille, il a traversé une phase d’addiction dont il est définitivement sorti en 1983. Il a toujours été, jusqu’à il y a quelques mois et son ralliement à Trump, démocrate et plus généralement “de gauche”.
Les pêcheurs de l’Hudson contre General Electric
De sa carrière d’avocat et d’activiste, on retient d’ailleurs qu’il s’attaque volontiers à des industries puissantes au nom de la défense de victimes qui n’ont pas les mêmes moyens financiers, ni la même influence politique. Dans le livre “The Riverkeepers”, préfacé par Al Gore, on découvre un Kennedy, fraîchement sorti de sa cure de désintoxication, qui se joint à une association de protection des eaux douces sur le conseil de son mentor qui connaissait son amour de la nature et de la pêche.
Il y rencontre des pêcheurs de l’Hudson qui lui racontent l’horreur de la pollution industrielle de cette rivière. Les poissons sont malades de la contamination par le PCB, impropres à la consommation. L’écosystème est ravagé, l’industrie de la pêche aussi. Le coupable ? Le géant industriel General Electric. Il faudra des années de lutte juridique pour obtenir de GE qu’ils financent la restauration de l’Hudson, considérée aujourd’hui un modèle du genre.
Du mercure de l’eau au mercure des vaccins
Alors qu’il évoquait dans ses interventions publiques les risques sanitaires liés à la présence de mercure dans les eaux de l’Hudson, il est approché par un groupe de parents qui estiment que leurs enfants ont souffert de séquelles suite à leur vaccination. Ils se montrent très insistants: si Kennedy admet le problème de la présence du mercure dans l’eau, pourrait-il au moins prendre le temps de se pencher aussi sur la présence de mercure dans le thimérosal, un ingrédient présent dans des vaccins pédiatriques ? D’abord réticent, il accepte de lire la documentation que lui ont remis les parents et finit par être persuadé de se joindre à eux au sein de l’association Children’s Health Defense.
C’est le début de sa carrière d’activiste pour la sécurité des vaccins, et, à nouveau, c’est un combat à la David contre Goliath, les entreprises pharmaceutiques étant autrement plus riches et influentes encore que General Electric, et les parents d’enfant autistes autrement plus vulnérables que les pêcheurs de l’Hudson.
Un combat légitime
Il faudrait un livre pour rendre compte de ce combat d’une manière qui lui rende justice, avec toutes les nuances requises, tant le sujet des vaccins est complexe et polarisant. Mais pour faire court: il existe au moins 2 bonnes raisons pour lesquelles les vaccins méritent d’être soumis à évaluation plus rigoureuse.
1) La science des vaccins est objectivement, et contrairement à ce qui est souvent affirmé, défaillante.
Le manque (qui est même plutôt une absence) d’essais cliniques randomisés avec placebo inerte et suivi de la sécurité sur le long terme n’est que le plus choquant des nombreux problèmes relevés dans l’excellent ouvrage “Des tortues jusqu’en bas”, bible de l’étude critique de la science des vaccins. Il n’y a pas que la sécurité. L’efficacité n’est souvent pas mesurée rigoureusement non plus. La conviction très partagée, presque religieuse, dans la qualité des données scientifiques quand il s’agit des vaccins n’est simplement pas fondée sur des faits.
2) La corruption de la santé publique a pris des proportions effrayantes.
La crise du Covid-19 l’a encore rappelé, à la suite d’autres épisodes comme celui du Mediator, du Vioxx, de l’Oxycontin, etc. On observe une capture, par l’industrie pharmaceutique, des institutions censées la réguler, qui se manifeste notamment dans le phénomène des portes tournantes, qui voit d’anciens employés de l’Etat faire carrière dans les entreprises dont ils viennent tout juste d’approuver les produits. Personne ne conteste que la corruption soit un problème majeur en santé publique.
L’activisme de Robert F. Kennedy Jr s’appuie sur ces constats ancrés dans la réalité. Le niveau de rigueur de la science vaccinale elle-même, et celui des procédure d’autorisation est insuffisant. La corruption est problématique et systémique. Une réforme fait sens. Et c’est essentiellement ce que propose RFK Jr., tel que je le comprends : une réforme vigoureuse de ces institutions défaillantes pour rétablir la confiance du public. Aucune des propositions qu’il a avancées jusqu’à présent ne me semble excessive: il n’a jamais, par exemple, remis en question le droit des parents à vacciner leurs enfants, comme certains le laissent entendre: il vise, essentiellement, à augmenter la transparence et à diminuer la corruption. Il n’est absolument pas nécessaire de partager ses vues sur la vaccination pour soutenir son projet, puisqu’il s’agit d’une réforme des institutions de santé publique américaines dans leur ensemble, dont ce sujet particulier n’aura jamais été que l’un des moteurs.
On peut contester mon interprétation, tout comme on peut contester ses idées, ou ses méthodes. Mais on ne peut pas, comme le fait Stéphane Bussard, correspondant du Temps, écrire absolument n’importe quoi sur Kennedy, au risque de précipiter encore davantage la longue agonie du journalisme factuel dans les médias traditionnels.
C’est le moment de parler de cet article. Que nous dit Le Temps ?
“Le Temps” s’attaque à “l‘antivax” RFK Jr. !
Une comparaison scandaleuse (qu’il n’a jamais faite!)
L’article commence fort. “Répudié par sa dynastie”, Bobby a “comparé la vaccination covid à l’Holocauste”. Carrément. Puisque le Temps mentionne qu’il aurait fait cette comparaison à l’occasion d’une manifestation à Washington en 2022, je suis allé chercher la citation et surtout son contexte, que voici (vidéo en anglais, traduction ci-dessous, les italiques sont de mon fait) :
“Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est ce que j’appelle le totalitarisme ‘clés en main’. Ils mettent en place tous ces mécanismes technologiques de contrôle. C'est du jamais vu. Depuis le début de l'humanité, tous les États totalitaires ont eu pour ambition de contrôler tous les aspects du comportement, de la conduite, de la pensée et d'anéantir toute dissidence. Aucun d'entre eux n'a été capable de le faire. Ils n'en avaient pas la capacité technologique.
Même dans l'Allemagne hitlérienne, il était possible de traverser les Alpes pour se rendre en Suisse. Vous pouviez vous cacher dans un galetas comme le fit Anne Frank. (…) Aujourd'hui, des mécanismes sont mis en place pour qu'aucun d'entre nous ne puisse plus ni fuir ni se cacher.
Robert Kennedy évoque ensuite les technologies pouvant être mises au service d’un état totalitaire : satellites permettant une surveillance en temps réel, téléphones portables pistant leurs utilisateurs, monnaie digitale, etc. Il s’inquiète enfin de la mise en place de passeports vaccinaux qui illustrent cette capacité de l’état à contrôler, par la technologie, mouvements et comportements.
En somme, Robert Kennedy Jr. dit en substance: les moyens technologiques que nous avons aujourd’hui à notre disposition, Hitler en aurait rêvé, parce qu’ils permettent un contrôle des individus beaucoup plus étroit que celui des régimes totalitaires du 20ème siècle. Et l’utilisation que nous en avons fait durant la crise du Covid est une illustration de ce danger. Est-il le seul à s’en inquiéter ? Non. Beaucoup partagent ses craintes, y compris dans Le Temps (là, par exemple). Cela revient-il à “comparer la vaccination covid à l’Holocauste” ?
Evidemment que non. Le Temps écrit ici n’importe quoi avec décontraction (j’ai envie de dire comme souvent quand il s’agit du coronavirus).
Le Temps écrit ici n’importe quoi avec décontraction (j’ai envie de dire comme souvent quand il s’agit du coronavirus).
“Spécifiquement conçu pour épargner les juifs” ? Toujours pas…
Mais poursuivons la lecture. Le Temps nous apprend dans la même phrase (ce n’est évidemment pas un hasard) que Robert Kennedy avait aussi "déclaré que le virus du Covid-19 avait été conçu spécifiquement pour épargner les juifs ashkénazes et les Chinois.”
Comparaison avec l’Holocauste + virus conçu pour épargner les Ashkénazes, il n’est pas difficile de comprendre où le journaliste cherche à nous emmener. Il s’agit d’insinuer plus ou moins subtilement que Kennedy est antisémite (sinon, le regroupement au sein d’une même phrase de ces deux informations n’aurait guère de sens).
Là aussi, voici la citation mise en cause, dans son contexte (vidéo en anglais, traduction ci-dessous), qui est instructive:
“Nous devons parler des armes biologiques. J'en sais maintenant beaucoup sur les armes biologiques parce que j'ai écrit un livre à ce sujet au cours des deux dernières années et demie. La technologie dont nous disposons aujourd'hui pour développer ces microbes nous a permis d'investir des centaines de millions de dollars dans des microbes à visée ethnique. Les Chinois ont fait de même. En fait, il y a des raisons pour dire que le COVID-19 est ciblé, sur le plan ethnique. Le Covid-19 attaque certaines races de manière disproportionnée.
Les races les plus immunisées contre le COVID-19 sont celles qui, en raison de la structure, de la structure génétique, des différences génétiques entre les différentes races des récepteurs, du récepteur ACE2… Le COVID-19 cible particulièrement les Caucasiens et les Noirs. Les personnes les plus immunisées sont les juifs ashkénazes et les Chinois. Nous ne savons pas si cette cible a été délibérément choisie ou non, mais il existe des documents qui montrent la différence raciale et ethnique et l'impact de ce phénomène. Et nous savons que les Chinois dépensent des millions de dollars pour développer des armes biologiques ethniques, et que nous développons également des armes biologiques ethniques.”
L’article scientifique mentionné est ici. Il analyse des variations génétiques dans les gènes ACE2 et TMPRSS2, qui sont impliqués dans l'entrée du virus dans les cellules humaines. Il souligne en effet une vulnérabilité potentiellement plus grande de certaines ethnies par rapport à d’autres, comme l’explique Kennedy.
Le Temps laisse entendre que Kennedy a évoqué un virus qui ciblait délibérément certaines ethnies et en épargnait d’autres. Ce n’est pas le cas. Dans le contexte d’une explication sur les programmes militaires développant des armes biologiques pour cibler génétiquement certaines ethnies, il a voulu illustrer la réalité de la possibilité technique d’un tel ciblage en prenant le covid comme exemple. Mais il a pris soin de souligner qu’il n’existait pas de raison de conclure que ce ciblage était délibéré dans le cas du Covid.
Retirer de l’eau le fluorure que presque personne d’autre n’y ajoute ? Quelle idée excentrique...
Sur les opinions de Kennedy sur le sujet des vaccins pédiatriques, évidemment aussi relevées par l’article, il faudrait plus qu’un billet comme celui-ci. Il existe, je le rappelle, d’excellents livres sur le sujet. Je préfère terminer mon analyse de cet article avec la question du fluorure, que Kennedy souhaite retirer de l’eau potable américaine. Or, souligne Le Temps,
“Pour ce qui est du fluorure dans l’eau potable, douze administrations américaines, y compris celle de Trump, ont soutenu cette politique sanitaire la considérant comme l’un des grands succès de santé publique du XXe siècle”
Nous restons donc sur un score de 3 à zéro dans le match “les faits vs Le Temps”.
Le Temps oublie deux petits détails. D’abord, ajouter le fluorure dans l’eau n’est absolument pas une pratique universelle. En Europe, presqu’aucun pays ne le fait, y compris, d’ailleurs, la Suisse, et le taux de caries a pourtant partout baissé au fil des décennies, tout comme aux Etats-Unis. Voilà pour le “grand succès de santé publique”. En l’absence de bénéfice démontré, et en présence de risques potentiels, les autorités sanitaires des pays européens estiment généralement, et depuis longtemps, que cette pratique ne se justifie pas, sans que Le Temps n’y ait jamais rien trouvé à redire !
Les NIH eux-mêmes ont par ailleurs récemment reconnu dans un rapport qu’au-delà d’un certain seuil, la fluorisation était associée à un QI plus faible chez les enfants, ce qui a conduit la Cour Suprême américaine à imposer à l‘EPA, l’agence de protection de l’environnement américaine, d’en abaisser les quantités maximales admises.
Bref, encore raté: non, vouloir retirer le fluorure de l’eau n’a rien d’excentrique, et “douze administrations” ont certes soutenu cette politique sanitaire, mais elles ont peut-être bien été douze à avoir eu tort de le faire. La science a évolué, et des risques potentiels ont été mis en évidence depuis.
Nous restons donc sur un score de 3 à zéro dans le match “les faits vs Le Temps”.
Ce n’est pas terrible.
Rappel: la presse traditionnelle est fâchée avec les faits quand ils contredisent certains récits
Kennedy a simplement le malheur d’être concerné à lui seul par trois de ces récits dogmatiques: celui qui affirme que Trump est le diable, et celui qui affirme que les vaccins sont intrinsèquement parfaits, et celui qui affirme que la réponse des gouvernements au Covid était irréprochable.
Je ne sais ni si Kennedy sera confirmé par le Sénat, ni si son action aura les résultats positifs espérés sur une administration qui reste, comme tant d’autres dans le monde, très fortement résistante au changement. Ce que je sais, parce que cet article vient de me le rappeler une fois de plus, c’est que les médias traditionnels ne sont pas des sources d’informations fiables dans des domaines où il existe des récits officiels dogmatiques.
Et je peux continuer à lire, et à apprécier, Le Temps, le site de la RTS, et les autres médias traditionnels suisses, mais à la condition que j’y évite soigneusement certains sujets: la crise du Covid, la santé en général, le changement climatique, la guerre en Ukraine, Donald Trump, etc. La liste n’est pas exhaustive et tend malheureusement à s’allonger avec le temps.
Non, Donald Trump n’était pas un agent russe, ni l’affaire du portable de Hunter Biden, une opération de désinformation russe.
Et puisqu’on parle des Russes: non, ce n’est pas Poutine qui avait fait sauter son propre gazoduc dans un accès de masochisme frénétique.
Non, les vaccins n’étaient pas efficaces contre la transmission, et non, il ne fallait pas à tout prix vacciner les enfants. Et non, ils n’étaient ni particulièrement sûrs, ni particulièrement efficaces. Et la distanciation sociale, le port du masque en population générale, les confinements et les fermetures d’école n’étaient pas de bonnes idées non plus.
Sur la question du changement climatique, le problème est le même.
Kennedy a simplement le malheur d’être concerné à lui seul par trois de ces récits dogmatiques: celui qui affirme que Trump est le diable, et celui qui affirme que les vaccins sont intrinsèquement parfaits, et celui qui affirme que la réponse des gouvernements au Covid était irréprochable.
A y bien réfléchir, il était donc évident que cela ferait écrire des bêtises au Temps.
Cet article n’en reste pas moins consternant à mes yeux.
Qu’en pensez-vous ?
En tous les cas, si vous pensez comme moi que la crédibilité des médias traditionnels est en baisse constante, pensez à me soutenir en vous abonnant, en partageant et en commentant. Merci infiniment.
Belle fin de semaine à toutes et à tous et prenez soin de vous.
tout comme le court article de la RTS sur sa nommination, vaccinosceptique, théories du complot, chemtrails, en quelques mots son image est immédiatement ternie sans rappeler qu'il se bat vraiment pour ses concitoyens.
je le suis au travers de Children Health Defense et je suis admiratif des personnes qui travaillent véritablement pour changer le monde et il y participe activement.
je suis également https://sentadepuydt.substack.com/ qui s'occupe de CHD Europe et qui est aussi une brillante journaliste qui se bat.
tout comme vous je préfère éviter les grands médias pour les sujets sensibles, ce qui fait que je m'en suis en fait totalement détourné.
pareil pour l'interview de Louis Fouché à la RTS. Ayant vu beaucoup des ses interviews on voit bien son humanité exemplaire et de le voir traîné dans la boue pour du sensationnalisme m'a totalement écœuré.
on est mieux ici entre personnes de bonne compagnie
https://substack.com/home/post/p-152147774
Your Top 8 Wildest Claims and Why Your Dangerous Pseudoscience Has No Place in Public Health